Peintresses de l’exposition « Women artists 1550-1950 »
Isabel bishop – Leonor Fini
Cet article reprend une série de posts réalisés sur Instagram consacrée à 30 peintresses parmi celles présentées durant l’exposition « Women artists 1550-1950 » en 1974-1975. Cette exposition itinérante a commencé à Los Angeles puis a voyagé à Austin, à Pittsburgh et à New York. Elle était curatée par les historiennes de l’art Ann Sutherland Harris et Linda Nochlin et est toujours considérée comme un moment essentiel pour les approches féministes et de genre en histoire de l’art.
Isabel BISHOP (Cincinnati, 1902 – New York, 1988)
Isabel Bishop nait à Cincinnati mais grandit à Detroit où son père est directeur de lycée. Sa mère est écrivaine amateur et une militante féministe.
A 16 ans, elle part à New York pour intégrer l’Ecole d’art appliqué pour jeunes filles, dans l’espoir de devenir illustratrice. Elle découvre alors la scène artistique new yorkaise et décide d’y prendre part en étudiant à l’Art Student League où elle suit les cours de Kenneth Hayes Miller.
Isabel Bishop est une grande admiratrice de Pierre-Paul Rubens et des peintres flamands, et dans son travail, elle cherche à lier l’héritage de la peinture d’histoire classique avec des sujets urbains contemporains : elle utilise des techniques de composition Renaissance mais peint des jeunes femmes rencontrées dans la rue ou les SDF qu’elle voit de sa fenêtre.

Portrait de l’artiste, 1959, Smithsonian Institution

Virgile et Dante dans Union Square, 1932, Delaware Art Museum
Elle s’intéresse beaucoup à la représentation de l’énergie humaine et du mouvement, et les personnages qu’elle peint sont très souvent occupés dans des activités de leurs vies quotidiennes. Elle met notamment en scène des femmes économiquement indépendantes, travaillant dans des bureaux et cherchant à mener une vraie carrière professionnelle.

Cornets de glace, 1942, Museum of Fine Art, Boston
Elle fait partie de la « Fourteenth street school », un groupe informel d’artistes installés dans la 14e Rue à New York dans les années 1930. Ils ont en commun d’être d’anciens étudiants de Kenneth Hayes Miller, de promouvoir une fonction sociale de l’art et de rechercher des formes de réalisme attachés au contexte new-yorkais.
Après les années 1930, les œuvres de ces artistes deviennent rapidement dépassées aux yeux de la critique face à l’abstraction de Pollock ou de De Kooning.
Isabel Bishop oriente alors ses recherches sur le nu, en mettant au point des techniques qui floutent la limite entre la peinture et le dessin. Ses nus sont notamment admirés par Willem de Kooning.
Malgré différents déménagements, elle conserve toujours un atelier dans le quartier d’Union Square, le quartier où elle a commencé en tant que peintre. C’est dans cet environnement qu’elle trouve l’inspiration et les sujets des ses oeuvres.
En 1953, elle lance la revue Reality, qui a pour but de permettre aux artistes de s’exprimer et qui est accompagné de conférences auxquelles participe notamment Edward Hopper.
Elle peint également des fresques murales dans le cadre de subventions artistiques allouées dans le contexte du New Deal – le Public Work of Art Project dont Alice Neel et Lee Krasner ont aussi bénéficié.

Etude de nu, 1934, National Academy of Design, New York

Etudiants, Entrée de Union Square, 1980, Smithsonian American Art Museum
Leonor FINI (Buenos Aires, 1908 – Aubervilliers, 1996)
Leonor Fini nait au large de Buenos Aires, sur une île appartenant à son père, homme d’affaire argentin. Il y a emmené la mère de Leonor Fini, italienne, quand ils se sont rencontrés. La personnalité tyrannique du père pousse sa mère à retourner à Trieste, en Italie, quand Leonor Fini a 18 mois. Son père enverra des personnes pour kidnapper sa fille en Italie durant toute son enfance, et elle est souvent travestie en garçon pour les tromper.
Leonor Fini grandit donc auprès de sa famille maternelle, dans un milieu bourgeois cultivé et une ville cosmopolite située entre l’Italie et l’empire austro-hongrois. C’est une enfant intelligente, cultivée, mais difficile qui se fait renvoyer de ses différentes écoles.

Trieste, 1929
Elle lance sa carrière artistique à 17 ans, quand elle part vivre à Milan où elle est vite remarquée. Elle y découvre notamment les peintres maniéristes du XVIe siècle qui exagèrent les formes et les mouvements dans des compositions souvent très colorées.
En 1931, elle s’installe à Paris et réalise sa première exposition personnelle l’année suivante à la galerie Bonjean dirigée par Christian Dior.
Durant l’été 1932, elle traverse l’Europe avec ses 2 amants, l’écrivain André Pierre de Mandiargues et le photographe Henri Cartier-Bresson.
Leonor Fini se déclare contre les idées de mariage et de couple, refuse de définir sa sexualité et vit en polyamour avec des hommes et des femmes.

La bergère des sphinx, 1941, Musée Peggy Guggenheim, Venise

Portrait de femme aux feuilles d’acanthe, 1946, collection privée
Représenter le visible, reproduire le monde réel, ne l’intéresse pas.
L’œuvre de Leonor Fini est merveilleuse, onirique, excentrique, à son image. Elle rejette les notions de bon goût et les conventions de l’art classique. Elle met en scène des personnages hybrides, à la fois humains et animaux, féminins, masculins ou androgynes, dans des visions imaginaires énigmatiques, parfois très colorées, parfois très sombres. Elle puise également dans les symboles des grands mythes occidentaux.
Elle est proche des surréalistes, s’inspire de leurs expérimentations dans des dessins automatiques et partage avec eux l’idée d’explorer l’inconscient à travers l’art. Cependant, elle refuse d’intégrer le groupe, qu’elle juge dogmatique et misogyne.

Auteur inconnu, portrait de Leonor Fini, vers 1938

Auteur inconnu, Leonor Fini, 1951
Leonor Fini a aussi une prédilection pour la fête et les mondanités. Elle est de tous les bals, faisant des apparitions toujours spectaculaires dans des déguisements excentriques. Elle approche la mise en scène de soi comme une forme d’art et déclare son amour pour la « théâtralité de la vie ».
Elle côtoie tout le gratin intellectuel et artistique parisien et européen ; Jean Cocteau, Paul Eluard ou Alberto Moravia lui consacrent des poèmes.
Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, elle quitte Paris pour s’installer à Monte-Carlo puis à Rome.
A la fin de la guerre, elle vit entre Paris, les Landes, le Loir-et-Cher et la Corse. A partir de 1952, elle vit avec Constantin Jelenski, un écrivain polonais, et Stanislao Lepri, un diplomate italien, et ils resteront ensemble toute leur vie.
Elle travaille aussi à des décors et des costumes pour le théâtre ou le cinéma (c’est elle qui réalise les costumes de 8 et demi de Fellini). A la fin de sa vie, elle écrit également des contes et des livres sur les chats – elle avait de très nombreux chats persans : son testament stipule de ne vendre son appartement qu’après la mort du dernier de ses 17 chats.
